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Le grand public qui s’y attendait et les associations qui y comptaient ont été très déçus du contenu du décret du 9 mars 2017 integrant la performance énergétique dans les critères de décence des logements. Déjà en juin 2016, parmi les critères de décence tels qu’édictés par la loi SRU, du point de vue de la performance énergétique, il n’était question pour qu’un logement soit décent entre-autres qu’il soit ‘protégé contre les entrées d’air parasite’. Bien loin d’une classe énergie minimale mesurée par un DPE ou d’un test d’infiltrométrie donc. Mettant à profit le changement de gouvernement et notamment le remplacement du ministère du logement par celui de la cohésion, profitant peut-être ainsi d’un peu moins de pression de la part de certains lobbies, quatre associations ont demandé à ce que le décret du 9 mars soit réécrit et qu’enfin une classe énergie minimale soit déterminante pour qu’un logement puisse répondre à la décence. Face à la montée de la précarité énergétique parmi la population défavorisée, mais pas que celle-ci, un logement décent devrait être celui dans lequel un revenu modeste peut s’y chauffer convenablement.

Un logement impossible à chauffer est-il un logement décent ?

En 2017, soit 5 ans (et plus) après la mise en application de la RT2012 exigeant des constructions neuves la performance énergétique du BBC (Bâtiment Basse Consommation) et à 3 ans ou moins de l’exigence attendue du BePos (Bâtiment à énergie Positive prévu dans la RT2020), les logements anciens n’ont même pas de classe énergétique minimale pour être considérés comme décents au regard de la législation. Rappelons que la Loi traitant des critères de décence des logements a pour intitulé ‘ Loi solidarité et renouvellement urbain’.

Pour mémoire, la Loi SRU (loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain) et son décret d’application (décret n°2002-120 du 30 janvier 2002) ont édictés un certain nombre de critères auxquels doit répondre tout logement pour être qualifié au moins de ‘décent’. Si chaque locataire peut exiger de son bailleur que son logement réponde à ces critères de décence, ce sont surtout les organismes d’aide sociale qui réclament une attestation de décence et de salubrité du logement afin d’octroyer les allocations logement indispensables aux foyers précaires mais aussi aux revenus modestes.

Depuis 2015 pourtant, il était question d’intégrer la performance énergétique dans les critères de décence du logement mais aucun texte n’a jamais prévu de fixer une classe de performance énergétique minimale pour qu’un logement soit légalement ‘décent’. Ceux parus depuis énoncent la nécessité d’un logement clos et couvert protégé contre les eaux de ruissellement et les infiltrations, ne présentant pas de risques manifestes susceptibles de porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé des occupants et disposant des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation. Là est la question puisque peut-on considérer ‘conforme à l’usage d’habitation’ une passoire énergétique ?

Un décret bâclé

Le décret du 11 mars était très attendu puisque dans son projet d’adoption, on pouvait lire : « le décret intègre la performance énergétique aux caractéristiques du logement décent ». Une fois paru, il a fallu déchanter puisque la notice n’exige au final que « Le logement est ainsi qualifié d’énergétiquement décent pour des raisons intrinsèques à sa conception (étanchéité à l’air et aération correctes) et indépendamment de son mode d’occupation et du coût de l’énergie ».

 

Interpellée jadis sur l’absence de notion cohérente de performance énergétique dans les critères de décence du logement, la ministre du logement de l’époque se serait opposée à fixer un niveau de performance énergétique chiffré à la manière des diagnostics de performance énergétique (DPE), avec comme seule raison de remettre une nouvelle fois en question la fiabilité des DPE (comme si ceux-ci n’étaient pas valides pour classifier une construction en BBC ce qui est obligatoire depuis la RT2012). Aberrant ou politique ? Certains avancent des pressions de certains bailleurs sociaux n’ayant pas les moyens ou la volonté d’améliorer la classe énergétique des logements à loyers modérés à l’heure où ils ont encore à payer les opérations de désamiantage, effectuer les nouveaux diagnostics obligatoires à la location (gaz et électricité) et mettre en conformité les immeubles avec le DTG (Diagnostic Technique Global)…

Le recours pour réécriture du décret

Le recours gracieux envoyé au nouveau Premier Ministre Philippe Bertrand émane de 4 associations (Cler, France Nature Environnement, la Fondation Abbé Pierre et le Réseau Action Climat-France) qui demandent que ce soit tout simplement réécrit ce décret afin que celui-ci soit enfin en accord avec les ambitions de 2015 et le libellé de la Loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain). Il est certain que la synergie du nouveau gouvernement et notamment l’idée de ‘cohésion’ entre population et environnement devienne le levier qui faisait défaut jadis, et qu’il n’est pas utopique de voir un niveau de classe énergétique minimale apparaître parmi les critères de décence du logement.

 

Classe énergie et classe énergétique étant intimement liées, nul doute que l’avis du nouveau ministre Nicolas Hulot saura peser dans la décision de réécriture du décret.

De plus, poursuivre la distribution d’allocations logement et d’aides sociales qui partent en fumée dans des calories chères à produire et impossibles à conserver est une aberration. Le maintien du texte du cédécret en l’état est une atteinte au bon sens d’autant plus que c’est l’environnement et donc l’humanité qui au final vont en pâtir alors que personne n’aura réellement profité des aides et allocations si ce n’est les bailleurs et marchands de sommeil louant des passoires énergétiques et quelques fournisseurs d’énergie si tant est que leurs abonnés puissent encore payer leurs factures d’énergie.

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