In Diagnostic DPE

La grande majorité des consommateurs se plaint au travers de nombreuses associations et fédérations du manque de fiabilité du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique). Il est avéré que de nombreuses et régulières enquêtes montrent en effet que d’un côté la classe énergie du DPE est un formidable outil de promotion de la vente de logements mais que de l’autre le classement énergie issue du DPE peut être très disparate pour un même bien immobilier. La solution à ces disparités proposée par beaucoup serait de rendre le DPE opposable afin que les donneurs d’ordre (bailleurs, vendeurs) mais aussi les futurs occupants (locataires, acquéreurs) puissent se retourner contre l’ODI (Opérateur du Diagnostic Immobilier) en cas de DPE erroné. Ce ne sont pas seulement ces demandes et récriminations qui vont rendre le DPE opposable mais peut-être bien l’évolution de la fiscalité de l’immobilier en fonction de la classe énergie du logement. L’opposabilité du DPE pour quand et pourquoi ?

 

Pourquoi une telle demande de fiabilité du DPE?

Il est désormais notoire que la classe énergie du DPE influe sur l’attractivité d’un bien immobilier que ce soit à l’achat ou la location et d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un logement. Tous les intervenants de la transaction immobilière (vendeurs, acheteurs, bailleurs et locataires) recherchent en priorité la bonne étiquette énergie (classe C ou supérieure) qui devient alors synonyme de confort à moindre coût en énergies. En revanche, dès lors qu’un bien immobilier est mal positionné quant à ses consommations en énergie par m² et par an, acheteurs et locataires boudent le bien ce qui déplaît aux vendeurs et bailleurs qui voient leur patrimoine immobilier notoirement dévalué.

De là, il existe une forte demande, voire des pressions sur le diagnostiqueur immobilier venant effectuer le DPE pour que le bien reçoive le meilleur classement énergie possible. On a même vu des vendeurs démonter des convecteurs juste avant la venue du diagnostiqueur afin que la présence d’un chauffage électrique ne vienne pas grever le bilan du DPE ; et puis, bien évidemment remettre les appareils en place juste après afin de réussir tout de même à se chauffer à peu près correctement…

Bien évidemment, tout vendeur ou bailleur souhaite le DPE le plus avantageux possible pour son bien à vendre ou à louer ; alors que pour l’acheteur ou le locataire, tout DPE surévalué afin d’être attrayant sur les annonces fait figure de tromperie dès lors qu’il faut habiter un logement difficile et coûteux à chauffer.

De là, comme pour le contrôle technique automobile, le consommateur acquéreur ou locataire d’un logement voudrait un DPE ‘béton’ déterminant une classe énergie fiable et véridique alors que le vendeur ou le bailleur aimerait un contrôle le plus avantageux possible. Mais, alors que le contrôle technique automobile est opposable (le contrôleur engage sa responsabilité en cas de faute, oubli ou négligence), il n’en est rien pour le DPE qui s’il peut être contesté n’ouvre droit à aucun recours.

 

Le point de vue des diagnostiqueurs immobiliers

Comme tout professionnel et responsable d’entreprise, un diagnostiqueur immobilier souhaite satisfaire sa clientèle. Dans le cadre du DPE, l’ODI (Opérateur du Diagnostic Immobilier) aimerait délivrer à son client le meilleur DPE possible afin que ce dernier puisse vendre ou louer facilement son bien (dans le cas du DPE obligatoire avant-vente ou avant location). Mais, en tant que diagnostiqueur immobilier certifié et responsable de ses engagements, l’ODI a le devoir de respecter des impératifs réglementaires et légaux pour délivrer un DPE le plus conforme à la performance énergétique réelle d’un bien immobilier ; en cela, il a également un rôle de protection des intérêts des acquéreurs et locataires de biens immobiliers.

 

De nombreux diagnostiqueurs immobiliers se sont exprimés lors d’un sondage réalisé auprès d’eux par diagnostiqueur-immobilier.fr sur ce problème de fiabilité du DPE. En octobre 2017, 389 diagnostiqueurs immobiliers ont fait part d’observations et de propositions afin de fiabiliser le DPE et de dissocier chez le public le ‘manque de fiabilité du DPE’ d’un éventuel manque de fiabilité des diagnostiqueurs immobiliers. Pour les deux-tiers des ODI ayant répondu à ce sondage, dans son état actuel, le DPE ne peut pas être considéré comme fiable, certes, mais la faute n’est pas à rejeter sur les opérateurs, mais plutôt sur la méthode du DPE qui manque de fiabilité.

Sur la qualité des opérateurs, les ODI ne se cachent pas d’un possible manque de professionnalisme de certains acteurs et aimeraient qu’il y soit mis bon ordre en augmentant le niveau de formation des nouveaux et en renforçant les contrôles de leurs activités.

Une certaine avidité, un chiffre d’affaires à réaliser pour payer formations, certifications, matériels et salariés pourraient amener certains peu scrupuleux à envisager d’effectuer des classements énergie un peu trop complaisants afin de fiabiliser de grands donneurs d’ordre et gestionnaires de parcs immobiliers.

 

Quelle fiabilité attendre d’un DPE ?

C’était là, la toute première question à se poser et qu’ont négligée beaucoup d’organes fustigeant les DPE et les diagnostiqueurs immobiliers. Le texte officiel du descriptif du Ministère de la transition énergétique et solidaire, précise que «Le diagnostic de performance énergétique (DPE) renseigne sur la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment, en évaluant sa consommation d’énergie et son impact en terme d’émissions de gaz à effet de serre../… Le DPE décrit le bâtiment ou le logement (surface, orientation, murs, fenêtres, matériaux, etc), ainsi que ses équipements de chauffage, de production d’eau chaude sanitaire, de refroidissement et de ventilation. Il indique, suivant les cas, soit la quantité d’énergie effectivement consommée (sur la base de factures), soit la consommation d’énergie estimée pour une utilisation standardisée du bâtiment ou du logement. »

Donc, le DPE renseigne, évalue, estime mais ne mesure pas. Alors qu’un diagnostic de surface Loi Carrez ou Loi Boutin est une mesure effective d’une surface et on comprend alors pourquoi ces diagnostics de surface sont opposables. La jurisprudence enregistre de nombreux cas de mise en cause de la responsabilité du diagnostiqueur immobilier dans ces types de mesurage ainsi que dans les repérages de présence d’amiante ou de plomb qui doivent être exhaustifs.

 

Le DPE opposable pour bientôt ?

D’après certains diagnostiqueurs immobiliers et selon la grande majorité des consommateurs, la mise en opposabilité du DPE serait la solution. Rappelons qu’un DPE opposable serait la possibilité pour tout vendeur, acquéreur, bailleur ou locataire de se faire rembourser un préjudice lié à un mauvais positionnement en classe énergie d’un bien immobilier. Mais pour être opposable, le DPE devrait pouvoir être comparé à un ou plusieurs DPE contradictoires effectués selon les mêmes arguments et la même méthode de calcul.

Il faudrait déjà que les logiciels de calcul du DPE soient parfaitement fiables mais en sus, soit que le diagnostiqueur immobilier ait parfaite connaissance de toute la structure de toute la construction (murs, toiture, isolants apparents mais aussi coffrés ou masqués), soit que le donneur d’ordre soit engagé en opposabilité sur ses déclarations relatives à la structure de la construction, à ses isolants, matériaux, performances des appareils de chauffage et de rafraîchissement…

 

Pourtant, malgré que tous ces points apparaissent figés, c’est peut-être le fisc qui va rendre le DPE opposable. Rappelons qu’il est prévu d’établir un bonus-malus de la fiscalité des bailleurs, sur le modèle de ce qui existe déjà dans l’automobile. Il est à l’étude de taxer plus lourdement les propriétaires et bailleurs de logements dont les performances énergétiques sont jugées insuffisantes en raison d’une mauvaise isolation, ou d’un système de chauffage obsolète. Mais d’autres pistes sont à l’étude notamment la modulation des droits de mutation (frais de notaire) en fonction de la classe énergie du bien immobilier, des obligations de rénovation énergétique pour les passoires thermiques (classe F ou inférieure du DPE) voir même une contribution du bailleur aux dépenses de chauffage de son locataire lorsque le logement est mal isolé…

 

Quelle que soit la solution voire les solutions choisie(s) par le Gouvernement, cette classification d’un bien immobilier en ‘passoire thermique’ ne peut se faire qu’en fonction de la classe énergie de son DPE ; mais comme toute décision fiscale ou administrative, cette classification serait contestable donc il faudrait d’abord pour cela que le DPE soit opposable.

 

 

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