Le 22 avril dernier s’est tenu à Grenoble le colloque Régénération Montagnes, un événement crucial pour les acteurs des territoires de montagne, à l’heure où les stations de ski font face à une double urgence : environnementale et réglementaire. Porté par l’ambition de rénover en profondeur le parc immobilier des stations, ce rassemblement a permis d’ouvrir un dialogue entre élus, professionnels du tourisme, bailleurs, urbanistes, architectes et représentants de l’État. En toile de fond : la mise en œuvre de la loi Climat & Résilience et ses implications concrètes, notamment l’interdiction de louer des logements classés comme « passoires thermiques », désormais renforcée par la « loi Airbnb ».
Des stations à la croisée des chemins
Depuis plusieurs années, les stations de ski françaises sont confrontées à un enjeu majeur : adapter leur modèle économique à une réalité climatique et énergétique en profonde mutation. Entre réchauffement global, raréfaction de l’enneigement, explosion du coût de l’énergie et vieillissement de leur parc immobilier, ces territoires doivent repenser en profondeur leur attractivité et leur résilience.
Aujourd’hui, environ 70 % des logements dans les stations de ski sont des résidences secondaires. Une part significative de ce parc date des années 1960 à 1980, période du grand essor des sports d’hiver en France. Or, une grande partie de ces biens est aujourd’hui mal isolée, énergivore, et donc dans le viseur de la réglementation.
La loi Climat & Résilience et la contrainte de la loi Airbnb
La loi Climat & Résilience interdit progressivement la mise en location des logements les plus énergivores. Depuis 2025, les logements classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE) sont concernés ; cette interdiction s’étendra progressivement.
Ce durcissement réglementaire a pris une ampleur particulière dans les stations de montagne avec la « loi Airbnb », votée fin 2024, qui oblige désormais tous les logements mis en location touristique de courte durée à respecter les seuils minimaux du DPE. Un logement classé G ou F ne pourra donc plus être proposé à la location, même pour quelques jours, sur des plateformes comme Airbnb, Abritel ou Booking. Une disposition qui touche de plein fouet les résidences secondaires en montagne, qui sont souvent louées à la semaine pendant la saison hivernale.
Régénérer plutôt que reconstruire : un enjeu écologique et économique
C’est dans ce contexte tendu que le colloque Régénération Montagnes a pris tout son sens. L’événement a rassemblé plus de 250 participants autour d’une question centrale : comment rénover massivement et efficacement l’immobilier en station pour le rendre conforme aux nouvelles exigences, sans sacrifier la vocation touristique des territoires de montagne ?
« Il ne s’agit pas de construire davantage, mais de mieux utiliser l’existant », a martelé Marie-Claire Hervé, urbaniste spécialiste des environnements de montagne. « Rénover, c’est préserver nos paysages, répondre aux impératifs climatiques, tout en revitalisant les centres des stations qui se vident en dehors des pics touristiques. »
Des outils concrets pour enclencher la rénovation
Les échanges ont permis de mettre en lumière plusieurs leviers d’action, dont certains commencent déjà à faire leurs preuves. Parmi les solutions évoquées :
- L’ingénierie financière : plusieurs collectivités testent des modèles de co-financement public-privé pour aider les propriétaires à rénover. Le fonds « Montagne Durable » lancé par la région Auvergne-Rhône-Alpes en 2024 a été cité en exemple.
- La montée en puissance des opérateurs de rénovation globale : de nouvelles structures d’accompagnement voient le jour pour proposer des rénovations clés en main, depuis le diagnostic énergétique jusqu’au chantier.
- La mobilisation des syndics et copropriétés : dans les stations, la majorité des logements sont en copropriété. L’enjeu est donc de déclencher des rénovations à l’échelle collective, avec des plans pluriannuels de travaux coordonnés.
- Le levier fiscal : plusieurs voix ont plaidé pour une réforme fiscale incitative, avec un bonus pour les rénovations dans les zones de montagne, et une pénalisation accrue des propriétaires qui ne se mettent pas en conformité.
Une mutation du modèle touristique
Au-delà de la simple mise aux normes, la rénovation devient un catalyseur pour repenser l’offre touristique en montagne. Des projets pilotes montrent qu’un habitat rénové, durable, esthétique et connecté aux services (transports, commerces, activités culturelles) permet de relancer l’attractivité des stations, y compris hors saison.
« La montagne ne peut plus se contenter de vivre trois mois par an », a rappelé le directeur d’un office de tourisme. « La régénération du bâti peut contribuer à faire venir des télétravailleurs, des jeunes actifs, ou des familles à l’année, si on pense aussi l’aménagement global. »
Un appel à la coordination nationale
En conclusion, plusieurs intervenants ont appelé à un plan de régénération national pour les stations de montagne, à l’image de ce qui a été mis en œuvre pour les villes moyennes ou les friches industrielles. Car les enjeux dépassent les simples contraintes techniques : il s’agit d’un projet de territoire, d’un projet de société.
« Il ne faut pas laisser les stations seules face à ce défi colossal », a insisté Christophe Roussel, président du Conseil national de la montagne. « La rénovation énergétique de la montagne, c’est une priorité nationale. »
Le colloque Régénération Montagnes a ainsi permis de lancer une dynamique collective, dans un esprit de coopération entre acteurs publics et privés. Reste désormais à transformer les paroles en actes, à l’échelle des vallées comme à celle des ministères.