In Diagnostic DPE

On s’en doutait et on le sait dorénavant, le nouveau DPE (Diagnostic de Performance Energétique) désormais opposable n’était pas prêt pour entrer en vigueur au 1er juillet 2021. Défaut de développement des logiciels de calcul, manque de tests et d’expérimentations préalables, la méthode de calcul du DPE n’était pas finalisée. Malgré les alertes venues tant des diagnostiqueurs immobiliers que des éditeurs de logiciels, le ministère en charge a voulu faire passer en force son nouveau DPE pour, quelques mois plus tard, en suspendre une partie. Puisque les DPE des logements construits avant 1975 sont suspendus cela laisse un flou autant chez les propriétaires vendeurs et bailleurs que chez les candidats à l’achat ou à la location d’un logement. Que signifie cette suspension des DPE ? Peut-on vendre ou acheter un logement avec un DPE en suspens ? Comment sera déterminée au final la classe DPE d’un logement dont le DPE est suspendu ?

La genèse du problème du nouveau DPE

Oui, il était bien prévu depuis plusieurs années que le DPE (Diagnostic de Performance Energétique) devienne opposable à l’instar des autres diagnostics immobiliers comme ceux relatifs à l’amiante, au plomb, aux termites, à l’état des installations de gaz et d’électricité. C’est pourquoi il fallait que DPE devienne opposable au plus vite.

Par contre, il n’avait pas été envisagé suffisamment à l’avance d’intégrer au DPE tous les greffons qu’on n’a eu de cesse de lui rajouter. Parmi ces addendas, la modification de prise en compte du coefficient d’énergie primaire de l’électricité, la volonté d’exclure les chaudières au fioul puis celles au gaz, la prise en compte de l’éclairage, le confort d’été, etc. De fait, sans cesse chargé de nouveaux projets qui se cumulaient, le chantier de développement des logiciels de calcul du nouveau DPE a pris un retard certain. Si quelques éditeurs de logiciels se sont dit prêts à assumer le défi, la plupart ont alerté les pouvoirs publics pour réclamer un délai supplémentaire.

Las, le ministère en charge ayant choisi de sortir ‘quoi qu’il en coûte’ le nouveau DPE à la date fixée (1er juillet 2021) on s’est vite aperçu que les logiciels des quelques éditeurs se disant ‘prêts’ ne l’étaient pas tant que ça. Ainsi après quelques semaines d’application, le calcul du nouveau DPE s’est avéré un désastre pour l’immobilier ancien tout au moins…

Le nouveau DPE, un désastre immobilier ?

Tout dépend du point de vue que l’on adopte pour juger le nouveau DPE. S’il est certain que son mode de calcul verse bon nombre de logements anciens dans la catégorie ‘passoires énergétiques’ (classes G, F et bientôt E du DPE), est-ce un bien ou un mal ?

C’est un bien si l’on se situe au niveau de l’environnement et du point de vue du gouvernement dont l’objectif est d’éradiquer au plus vite les logements énergivores. Mais c’est un mal pour le marché immobilier en général, celui du logement en particulier et de fait pour le climat social. A l’heure où déjà le manque de logements se fait cruellement sentir, interdire à la location des centaines de milliers de logements ne peut que pousser dans la rue des milliers de demandeurs ne pouvant se loger.

Pour le marché immobilier qui jusqu’alors faisait montre d’une insolente santé, c’est un krach puisque personne ne veut aujourd’hui acquérir une passoire énergétique et se voir contraint d’y effectuer des travaux coûteux pour lui faire gagner 3 à 5 classes de DPE (à raison de près de 30 000€ en moyenne par logement).

La suspension de la réalisation du DPE pour les logements antérieurs à 1975 reste un cataplasme sur une jambe de bois qui ne se traduit en fait que par une défiance des acquéreurs et un coup d’arrêt pour les vendeurs.

Comment et à quel prix peut-on vendre ou acheter un logement dont on ignore la classe énergie ?

Quel marché pour les logements avec un DPE en suspens ?

Depuis que les problèmes relatifs au calcul du nouveau DPE ont été connus, des diagnostiqueurs immobiliers ont inséré une clause signalant qu’en raison d’erreurs des logiciels le DPE réalisé ne pourrait être opposable tant que les logiciels n’auraient pas été finalisés.

Voilà qui est prudent de la part de ces diagnostiqueurs, mais qui laisse dans l’incertitude tout vendeur ou acquéreur d’un logement ancien. Comment peut-on fixer la valeur vénale d’un bien immobilier si l’on ignore sa classe énergie, donc si l’on sera forcé d’y faire d’onéreux travaux (obligation de rénovation énergétique) et si l’on pourra ou non le louer (interdiction de location des passoires énergétiques) ? Si pour le vendre par la suite il faudra intégrer le coût d’un audit énergétique ? Pour ce seul logement ? Pour tout l’immeuble ? etc.

Bien sûr il nous est promis que tout rentrera dans l’ordre dans quelques mois, soit le délai qu’il aurait fallu accorder avant de lancer le nouveau DPE.

Bien sûr, on nous rassure que des milliers (voire des centaines de milliers) de logements actuellement classés en passoire énergétiques vont sortir de ce statut. Mais il n’empêche que des milliers d’acheteurs, de vendeurs, de bailleurs et de locataires sont lésés. En plus bien sûr de la profession de diagnostiqueur immobilier qui y perd malgré elle en crédibilité et des diagnostiqueurs immobiliers qui devront refaire (à tarif préférentiel) des DPE.

Si le gouvernement a décidé d’allouer une prime aux diagnostiqueurs pour refaire des DPE viciés, cette prime ne couvrira qu’en partie les frais de déplacement et de temps de saisie (1h30 en moyenne) que le diagnostiqueur devra débourser. Et puis, pendant qu’il refera un DPE vicié pour des clients floués, le diagnostiqueur ne pourra satisfaire la nouvelle clientèle qui fait appel à lui.

Voilà pourquoi, il est important de nos jours de comparer les diagnostiqueurs immobiliers que l’on souhaite faire intervenir, quels seront leur disponibilité et leur tarif pour refaire un DPE une fois les logiciels finalisés.

Et puis, en attendant la note finale du DPE d’un logement que l’on souhaite acquérir, il sera prudent de négocier au prix le plus bas un logement construit antérieurement à 1975, de fuir les chauffages fioul et gaz et d’interroger dans tous les cas son notaire sur la possibilité de recours contre le vendeur.

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