In immobilier

Cela fait deux ans maintenant que cette proposition de scinder le foncier du bâti dans la propriété immobilière fait discrètement son chemin. La proposition explosive qui a été présentée par un organisme proche du premier ministre en 2017 été destinée à taxer davantage la propriété immobilière afin d’apporter des ressources à l’État. Voilà qu’elle refait surface un peu moins discrètement mais sous l’autre prétexte jugé plus convenable de faciliter le logement et l’accession à la propriété des ménages aux revenus modestes. Crise du logement ou pas, hausse ou baisse de la fiscalité, il va être difficile de réformer ainsi le droit de la propriété voire d’exproprier les propriétaires du sol de leur bien immobilier pour ne les laisser acheter, vendre et détenir que le bâti.

Et pourtant, l’idée fait tellement son chemin qu’elle est déjà en partie en place dans certaines villes via les OFS. Ne pourra t’on bientôt plus n’acheter ou vendre que les murs de sa maison sans que l’État ou la commune ne soit copropriétaire imposé ?

 

La genèse de la réforme du droit de propriété

C’est en octobre 2017 que France Stratégie, un organisme rattaché au premier ministre a émis la proposition que «l’État décrète qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels, à hauteur d’une fraction fixée de leur valeur, et que ce nouveau droit de propriété soit désormais incessible».

 

Il s’agissait alors bel et bien de décréter l’expropriation pure et simple de leur terrain de tous les propriétaires d’un bien immobilier. La raison invoquée alors était de renflouer les caisses de l’État avec l’argent des propriétaires d’immobilier. En effet, pendant que la dette publique de la France doublait (passant de 56 % à 100 % du PIB national), la valeur du patrimoine immobilier des Français a plus que doublé (de 125% à 285% du PIB). Un déséquilibre inacceptable pour un organisme gouvernemental de prospection et de stratégie.

 

Mais imposer directement une nouvelle taxe sur l’immobilier étant alors impossible, il a été envisagé de rendre les propriétaires d’un bien immobilier locataires forcés du sol sur lequel est implanté leur bien. Pas une nouvelle taxe, non, mais un loyer que chaque propriétaire d’une construction devrait payer pour le terrain sur lequel est bâti son logement en tant que locataire du sol (le foncier).

 

Le retour de la réforme

Tellement discret à l’époque qu’on pouvait le croire oublié, ce projet de réforme du droit de la propriété revient.

 

Cette fois-ci, il n’est pas question d’étayer le discours par un besoin impérieux de recettes fiscales, mais d’avancer le prétexte de rendre possible pour un plus grand nombre l’accession à la propriété.

Il est vrai que le prix de l’immobilier a subi ces derniers temps une hausse massive et que bon nombre de ménages n’ont plus les moyens d’acquérir un logement en ville.

 

En ôtant de l’achat immobilier le prix du foncier qui resterait propriété de l’État ou de la commune, on divise de fait le prix d’un bien par deux puisque l’acquéreur ne paierait que le bâti. Bien sûr, l’accession à la propriété d’un logement deviendrait envisageable pour bien plus de foyers, mais ils ne seraient que locataires du terrain sur lequel est implanté leur logement. En cas de vente, de donation ou de succession, le bien immobilier reçu resterait en copropriété avec l’État ou la commune mais jamais transmis en pleine propriété.

 

Cette réforme du droit de propriété est-elle possible ?

Difficile, surtout en ce climat social, d’exproprier tous les propriétaires (un Français sur deux environ) du terrain qu’ils possèdent. Déjà, cela irait à l’encontre de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui a valeur constitutionnelle qui lé définit comme un des « droits naturels et imprescriptibles de l’homme». S’il est possible de l’aliéner, « ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».

Or, s’il peut être reconnue une nécessité publique, celle-ci doit être reconnue par une loi , ce qui est toujours possible à moins que le Conseil Constitutionnel ne s’y oppose (c’est son rôle). Mais en outre, il faudrait que l’État ou la commune ait les moyens de payer au préalable ‘une juste indemnité’. En ces temps de disette de l’État, cela s’avère quasi impossible surtout au prix auquel se négocie à ce jour le mètre carré de terrain construit….

Donc, à moins de violer la Constitution et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et de se mettre à dos la moitié ou plus des propriétaires fonciers, cette réforme ne devrait pas aboutir en l’état.
 

Et pourtant, elle tourne !

Elle tourne dans les idées cette réforme et elle ne fait pas que tourner puisqu’elle avance discrètement. Son cheval de Troie destiné à pénétrer l’opinion sans la braquer c’est l’OFS.
 
L’OFS ou Office Foncier Solidaire est apparu dans l’article 164 de la Loi Alur. Ce texte préconise la création d’OFS « organisme à but non lucratif acquérant des terrains bâtis ou non, dont il reste propriétaire et consentant à un preneur de droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété de logements à destination de ménages aux revenus plafonnés ».
 
C’est en cours puisque déjà de grandes villes (Paris, Lyon, Rennes, Lille…) ont créé leur OFS qui acquiert des terrains qui seront ensuite loués à des particuliers désireux d’y construire leur logement. Ces pseudo-propriétaires ne seront propriétaires que des murs puisque le foncier sera loué par l’OFS via un Bail Réel Solidaire (BRS). En cas de vente ou de mutation (donation, succession) le preneur ne pourra prolonger le BRS du terrain sur lequel est construit le bien immobilier que s’il entre dans la catégorie ‘sociale’ de ressources. S’il ne s’inscrit pas dans cette catégorie, il ne pourra pas obtenir la location du terrain et donc sera obligé de renoncer à l’achat.
 
Voilà qui va mettre un terme définitif à la spéculation immobilière et rendre plus accessible la (pseudo)propriété d’une résidence principale.

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